Un cas contemporain “d’aberration écologique” : le Qatar et son  encadrement du mondial 2022 (2)

Greenwashing

Le président de la FIFA, brandissant un “carton vert pour la planète”, a promis que la Coupe du monde au Qatar de 2022 serait neutre en carbone grâce au remboursement de crédits carbones. 

Dans un rapport de mai 2022, l’ONG Carbone Market Watch, spécialisée dans ces sujets a largement remis en question la faisabilité de cette promesse, au vu des moyens engagés par les organisateurs.

Les émissions sont sous-estimées par la FIFA

Elles sont estimées à 3,63 millions de tonnes d’équivalent CO2 en tout et ce taux serait sous-estimé. Ce chiffre est déjà énorme en lui-même, il est supérieur aux émissions de gaz à effet de serre d’un pays comme l’Islande, la RDC ou le Monténégro.

Les émissions liées à la construction de stades seraient biaisées. En effet le calcul par la FIFA répartit la pollution engendrée par la construction des 6 stades non démontables sur l’ensemble de leur durée de vie, qu’elle estime à 60 ans, les émissions prévues sont donc seulement de 206 000 tonnes d’équivalent CO2 car attribuant à la coupe du monde une part ridiculement faible, correspondant à 70 jours sur ces 60 ans. 

L’ONG arrive à la conclusion que la construction de ces stades non démontables a émis à elle seule plus d’16 millions de tonnes d’équivalent CO2, soit huit fois plus que prévu par les organisateurs… 

Les calculs des organisateurs sont donc basés sur l’utilisation dans le futur de ces stades. Il convient cependant de la remettre en question. Ces stades sont énormes et ils se situent très proche les uns des autres, dans une ville n’accueillant pas de compétition ni de club de grande ampleur. Certes, une équipe locale sera déplacée dans un de ces stades mais alors qu’adviendra-t-il de celui qu’elle occupait avant ? Et arrivera-t-elle à remplir un stade pouvant accueillir presque deux fois plus de public ? De plus, les projets de transformation en bureaux par exemple sont soumis à la rentabilité incertaine d’un tel projet et au bon vouloir des acteurs privés. Ils sont donc très certainement voués à l’abandon à court ou moyen terme, ou tout du moins à une large sous-utilisation. Il aurait donc été pertinent de considérer la construction de ces stades comme entièrement causée par la Coupe du Monde. 

Un stade entier et une partie des sièges (jusqu’à 200 000) des autres stades sont démontables et ont vocation à être réutilisés, ce qui est présenté comme très vertueux environnementalement parlant et constitue un point important de la communication des organisateurs à ce sujet. Il faut cependant noter que, parce que démontable, le stade 974 a émis 60% de plus d’équivalent carbone de plus que les autres. De plus, la pertinence écologique de ce projet dépend intégralement du nombre de fois où ce stade et ces sièges seront réutilisés. Aucun plan concret de réutilisation n’a été proposé à ce jour par les organisateurs.

Les organisateurs ne prennent pas en compte les infrastructures qui n’auraient pas vu le jour sans la Coupe du monde, et la croissance économique qu’elle a engendrée, ni les vols quotidiens entre Doha et les Emirats Arabes Unis où résident une partie importante des spectateurs, faute de place d’hôtellerie au Qatar. Ces derniers pourraient émettre entre 100 000 et 200 000 tonnes de CO2 selon les calculs du Monde

Le Qatar a déclaré que l’énergie nécessaire à la climatisation des stades serait entièrement fournie par des panneaux solaires, un parc de 10km2 comportant 1,8 millions de panneaux solaires a été inauguré en octobre 2022 ; il est censé fournir 10% de l’énergie du pays. Si l’effort est louable pour la transition énergétique de la pétromonarchie, cela s’avèrera insuffisant en ce qui concerne les stades. Des chercheurs britanniques ont réalisé une modélisation thermique et ont estimé que pour fournir suffisamment d’énergie pour climatiser les stades, la surface de panneaux solaires nécessaire serait de 1 000 km 2, soit un dixième du territoire du pays. La ferme solaire sera donc largement insuffisante et les stades climatisés par des énergies fossiles…

Les investissements pour les “rembourser” sont insuffisants

Le principe de neutralité carbone est très ambitieux : il consiste à, après avoir réduit au maximum ses émissions de gaz à effet de serre, les “compenser” intégralement de sorte à arriver à une somme nulle. Les organisateurs ont prévu de rembourser la moitié des émissions carbones qu’ils prévoient en achetant des crédits carbone au Global Carbon Council (GCC), organisme qu’ils ont eux-mêmes créé, ce qui leur permet de fixer leurs propres standards…

Pourtant, seuls 3 projets ont été approuvés à ce jour par le GCC : une usine hydroélectrique et un parc éolien en Turquie et un autre parc éolien en Serbie. Ces projets ont pour objectif de compenser 177 000 tonnes d’équivalent carbone, soit bien loin des 1,6 millions promis, eux-même calculés sur la prévision de 3,6 millions de tonnes d’émission, sous-estimée.

D’autres projets sont en cours d’approbation par le GCC mais leur pertinence reste à définir. Pour qu’il y ait compensation réelle, il faut s’assurer que le projet ainsi né n’aurait pas vu le jour sans son financement par des crédits carbones. Étant donné la tendance à la hausse des prix de l’énergie qui rend plus rentables les énergies renouvelables et donc leur construction plus facilement viable financièrement, une telle éventualité est incertaine.

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s